La SurVIVANTE

La SurVIVANTE

Il se passe des jours, des mois, voire des années qui se ressemblent. Ou tout va plus ou moins bien, avec des hauts et des bas. Le quotidien apportant son lot de satisfaction, de reconnaissance personnelles ou professionnelles, de joie ou de peine, de fatigue, de lassitude ou d’enthousiasme; et tout pourrait continuer ainsi dans le meilleur des mondes Et puis un jour, le mobile vibre, sonne, se fait entendre et que l’on s’en doute ou non, la triste nouvelle tombe…quelqu’un de notre entourage nous a quitté ou vit lui-même la perte d’un être cher.

Cet article ne contiendra pas de touche humoristique j’en suis désolée. Je ne sais moi-même pas comment aborder le sujet. Mais voilà, alors que je m’installais et m’apprêtais à chercher l’inspiration pour un nouveau sujet, mon mobile a vibré, j’ai reçu un sms. Une amie vient de perdre sa petite fille âgée d’à peine 2 ans. Plus qu’un drame, c’est la terre qui s’ouvre sous vos pieds pour vous engouffrer, je ne parle pas de ce que j’ai ressentie bien sûr mais de ce que mon amie et qu’une mère doit ressentir en pareille situation. Quoique en fait je ne sais pas, je ne peux réellement prendre la mesure de ce qu’une mère qui vient de perdre sa progéniture peut ressentir. Je ne peux qu’imaginer son désespoir et ce qu’elle a dû ressentir en m’imaginant être à sa place. Comment survivre, comment faire face lorsque votre cœur est arraché de votre poitrine, que l’on vous fend le ventre pour en en extirper ce qui vous est indispensable pour vivre ; quand vos yeux vous brûlent comme si des larmes d’acides en jaillissaient à force de pleurer, que votre gorge s’atrophie jusqu’à vous empêcher de respirer et que vos jambes se dérobent sous le poids du chagrin trop lourd à porter qui vous plaque au sol, sans l’envie ni la force de se relever? A quoi pense-t-on ? Peut-on seulement penser ? Raisonner ? En veut-on à l’univers pour ce coup du sort ? Cherche-t-on un coupable ? Ou veut on simplement quitter cette terre pour retrouver l’être cher, sans regarder en arrière ni se préoccuper des vivants, de ces proches maladroits parfois, pourtant souvent bien intentionnés qui ne souhaitent qu’apporter leur soutien sans vraiment savoir comment ? Avez-vous connu cela ? Avez-vous été l’un des survivants restants ou le proche d’un survivant ?

Lorsque j’ai perdu un être important de ma vie, il y a quelques années, mon médecin m’a remis un livret didactique pour m’aider à faire mon deuil. Ce livret explique les 7 étapes par lesquelles les survivants passent après un décès. J’ai malheureusement été amené à relire ce livret ultérieurement et autant que cela est possible, il m’a aidé à accepter que le temps est la condition essentielle pour que ces 7 paliers soient franchis et que l’apaisement revienne au cœur de la vie.

Ce livret a pour but de nous aider à nous comprendre pour mieux dépasser cette épreuve, sans pour autant apaiser la peine, juste expliquer que l’ouragan de sentiments qui nous traverse dans les mois qui suivent la perte est normal, et que traverser chacune de ses douloureuses étapes est justement ce qui va permettre d’intégrer et d’accepter le deuil. C’est ce qui va permettre la résilience, la capacité de notre corps et de notre esprit de se guérir lui-même, à surmonter le traumatisme pour continuer à vivre Après.  Ces étapes, comme une course de relais, sont au nombre de 7. 15 selon certains. Mais 7 c’est déjà bien suffisant non ! La durée de chaque étape est propre à chacun et ne peut être quantifiée, prévue, ou être jugée. Chaque individu ressent les évènements de façon intime et totalement unique que personne d’autre que lui ne peut appréhender. Cependant le processus de deuil suit cet enchaînement d’états à passer. Voici les 7 étapes comme elles m’ont été présentées et qui je l’espère éclairerons certains à comprendre ce qui se passe en eux ou chez leur proches dans cette période difficile.

Les étapes se suivent ainsi :

  • Le choc accompagné du déni : L’esprit se défend contre une situation trop traumatisante. Il refuse d’accepter une situation trop douloureuse. « C’est un cauchemar, ce n’est pas possible. »
  • La douleur et la culpabilité : L’effroyable réalité est acceptée, mais on cherche des explications pour justifier la raison de la mort. La culpabilité, le remord s’installent. Certaines personnes à ce stade souffrent tant que certains se laissent sombrer, dans l’alcool, la drogue, se négligent, se laissent aller.
  • La colère : Le sentiment d’injustice s’installe et la colère naît. On cherche d’autres coupables pour expliquer le décès.
  • La négociation : De la frustration naît l’envie d’inverser la situation, on cherche sans logique ni même sans en prendre conscience des moyens de changer l’histoire pour revenir en arrière.
  • La dépression : La situation de perte est assimilée mais la douleur est trop forte pour surmonter la peine. L’individu se sent déprimé, peut même sombrer dans la dépression car elle n’envisage pas de possibilité d’aller mieux. A ce stade, certains décide de mettre fin à leur propre vie.
  • La reconstruction : C’est en quelque sorte la Pré-Acceptation. La personne sort de nouveau de chez elle, et cherche des moyens de se sentir mieux et communique plus avec les autres. C’est un signe d’amélioration qui annonce la fin du processus.
  • Et enfin l’acceptation : La situation est pleinement comprise et acceptée comme étant irréversible. La personne reprend une vie sociale lentement, sort de nouveau, va doucement se projeter, se réorganiser, s’apaiser pour retrouver plus de sérénité.

Cette trame n’apaisera aucune peine, son pouvoir est quasi nul, et je ne prétends pas dans cet article ni soulager la peine, ni apporter de solution à une personne endeuillée, ni même savoir quelle est la meilleure attitude à adopter en tant que proche. Après avoir traversé plusieurs fois cette épreuve dans ma vie, je me sens toujours aussi impuissante à accompagner un proche en deuil. Parler n’aide rarement, parfois il exaspère même car les mots de soutien, sont maladroits ou mal choisis, et l’effet obtenu est inversement proportionnel à celui souhaité.  La présence silencieuse que l’on manifeste et que l’on voudrait être un soutien morale solide et apaisant passe parfois pour de l’indifférence. Afin de ne pas s’imposer, de ne pas déranger mais de montrer son soutien, il est fréquent de dire «  Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à m’appeler. » Proposer son aide ainsi, bien que sincère, clôt souvent aussitôt le sujet dès que les mots « Merci pour ton soutien, je n’y manquerai pas » sont prononcés. La personne en deuil manifeste parfois mais assez rarement qu’elle a besoin d’aide.  Chacun ne sachant quoi ni comment solliciter ou apporter de l’aide, cela se termine souvent par un échange de politesse lancé dans les premiers jours du deuil ou au cours de l’enterrement. Et puis la personne préfère garder sa douleur pour elle-même, réduit ou coupe les liens avec le monde extérieur, parfois même du cercle intime, et les proches quant à eux n’osent pas s’imposer, ni rendre visite, et parfois même hésitent-ils à appeler. Tout ceci est une réaction humaine, faire face à la mort, à l’absence n’est pas chose aisée.

Si, sans parler, les personnes survivantes savaient comment demander de l’aider et si les proches savaient sans dire un mot comment aider, comme cela faciliterait les choses !

Nous aurons tous à différentes étapes de notre vie à surmonter cette épreuve de perte, d’abandon ou à accompagner un proche dans cette situation. Mon amie doit traverser cette épreuve presque contre nature trop tôt. Contre-nature ? En effet, le cycle logique de la Nature est d’enfanter et de laisser la place à nos enfants qui nous accompagnerons pendant notre vieillesse et survivrons à notre départ, avant à leur tour de prendre ce même chemin et de répéter ce cycle de la vie. Or mon amie doit quant à elle survivre à la perte de son enfant et accepter d’être démunie de ce qu’elle avait le plus espérée et chérie dans sa vie.

Mon amie est forte et j’ai toute confiance dans sa capacité à se reconstruire, à faire la paix avec elle-même et avec l’univers. Trouver la force de continuer sa route avec le souvenir de sa fille, et de retrouver le goût à la vie et l’espoir d’une vie de famille épanouie et heureuse malgré ce drame.

Le chemin sera long et douloureux et le soutien bienveillant des proches essentiel, et je lui souhaite au travers de ce texte, comme je le souhaite à tous ceux qui traversent actuellement ou auront à traverser cette épreuve, je leur souhaite à tous assez de patience et d’indulgence pour laisser le temps faire son œuvre.

« A toi fébrile surVIVANT,

Accablé par la douleur et l’absence,

Sois patient et indulgent,

Laisse opérer l’œuvre du temps,

Aux proches, amis et parents,

Presque Inutiles, maladroits mais bienveillants,

Repoussés ou accablés,

Restez forts malgré les courants,

Les rôles ne sont pas distribués pour toujours,

Amour et compassion pour seules armes,

Chacun, jouera à son tour,

Proches, parents et survivants. »

 

* Tableau « Le Passage des âmes « – Louis Janmot

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