A la fuite du Temps retrouvé!

A la fuite du Temps retrouvé!

Trouver, gagner, gérer, économiser, optimiser, perdre, gaspiller, comptabiliser… Des verbes qui décrivent notre relation au temps comme un investissement financier, comme une équation mathématique. Une aberration !

Le temps selon les écrivains romantiques, le temps des premiers congés payés d’après-guerre, le temps du repos dominical n’étaient pas considérés de cette façon, il me semble. Nous avions une relation au temps très différente.  Mais quand cela a-t-il changé si cela a changé…

Le bon vieux temps dont on nous rebat les oreilles a-t-il seulement existé ?

Est-ce que tout se résume à de la gestion et des équations mathématiques? J’ai le sentiment que cela conditionne beaucoup les choix et le rythme quotidien d’un grand nombre d’entre nous.

Pourtant, enfant le temps prenait juste la couleur de nos émotions. Enjoué, impatient, triste ou mort d’ennui selon ce que nous ressentions sur le moment. Que nous soyons heureux et joyeux de passer un après-midi avec nos copains et copines, le temps nous semblait alors trop court. L’heure de rentrer à la maison pour faire sa toilette et passer à table arrivait toujours trop vite. Plus tard au collège, le barbant cours d’histoire de 2 heures nous semblait une éternité.  Et que dire de ces après-midis d’ennui allongé sur son lit, ou devant la télé à attendre ou à errer sans but car ce jour-là nos amis n’étaient pas disponibles et que sans eux, combler une si longue journée semblait presque impossible.  Le temps semblait s’étirer et ne jamais plus finir. Qui ne se projetait pas alors à rêver à l’avenir ou tout serait différent. On aurait le temps et la liberté de faire ce que l’on veut ?

Ces heures d’ennuis servaient aussi parfois à se remémorer les moments passés avec un tel à une soirée, à revoir la scène, penser à ce qu’on avait dit ou ce que l’on aurait dû dire. A cette époque le temps n’était qu’outils à notre disposition. Une donnée que nous pratiquions sans donner plus d’importance à ce qui n’a en réalité aucune existence propre, à un concept immatériel et totalement subjectif. Étions-nous naïfs ou simplement dans le vrai, dans le moment présent?

Avec l’âge notre relation au temps et notre conscience de son impact sur nos courtes vies, l’importance de ne pas en perdre est devenue intimement prioritaire. Une relation intime et malsaine s’est instaurée.

Toute la semaine durant 11 mois ou presque nous entretenons cette course au temps perdue d’avance. Nous gérons cette donnée impalpable qui est plus puissante que nous, du moins est-ce le sentiment que nous avons. Et puis nous attendons le weekend pour profiter « pleinement » de … ? Et bien de ce même temps ! Nous attendons les vacances pour nous reposer, récupérer de ces mois de course contre la montre. Cela s’amplifie lorsque l’on devient parents et que cette gestion se transforme en talent voire en une forme d’art pour les parents les plus organisés et économes ou les plus doués en équations mathématiques. Ces parents surdoués capables de gérer les équations à plusieurs inconnues. Même les plus médiocres de l’époque en maths nous éblouissent de leur gestion de haut vol en ce qui concerne le planning de la semaine de leur petite famille, au prix parfois d’une usure prématurée de leurs rotules.

Aujourd’hui que le temps est au cœur de nos vies, dirige une grande partie de nos vies, nous nous prenons à espérer retrouver cette innocence et cette jouissance du temps symbole de liberté dans ce dernier tiers de notre vie, lorsque nous serons libérés des impératifs professionnels et des obligations parentales que nous avons pourtant choisi et que nous reconnaissons de façon assez contradictoire être source de plus grand bonheur souvent. Toutefois si l’on avait le choix de garder le bonheur et la sérénité de la non-aliénation que cette notion de temps fait peser sur nous, qui refuserait ?

Je suis dans le 2ème tiers de ma vie, la période la plus longue et la plus connectée à mon bourreau. Je n’ai pas encore d’enfant et n’ai donc pas encore atteint le 7ème niveau de difficultés du jeu qu’on pourrait appeler  « le jeu du maître des clés du temps ».

Je suis enchaînée à ce bourreau et j’en ai conscience. J’ai un travail 6 jours par semaine qui m’oblige à gérer et compter ce temps que je sais si précieux pour profiter au mieux du 7ème jour ! Cela vous rappelle aussi une histoire ? Je peux donc dire que je vis un peu sur le même rythme que le Dieu des Chrétiens. Sauf que lui a travaillé 6 jours, Il a éventuellement fait quelques interventions en Intérim-mais encore rien n’est moins sûr- et depuis Il est en retraite! Il avait déjà tout compris !

Ma route, avant de profiter pleinement de Mes 24h quotidiennes de Vie ne viendra pas avant longtemps, mais en attendant j’essaie chaque jour de ralentir le rythme. Je travaille chaque jour avec patience et persévérance, tel un prisonnier tentant l’évasion, à élimer la corde qui me lie à mon bourreau. Comment je fais cela ? A ma façon, en me levant tous les jours tôt, bien plus tôt que nécessaire et encore plus tôt les jours de repos, afin de vivre pleinement chaque instant de totale liberté. Chaque instant qui n’est pas soumis à une obligation quelle qu’elle soit. Obligation d’aller travailler, obligation de dormir, obligation personnelle ou familiale. Je m’octroie chaque jour des moments volés, et c’est le matin avant que notre maître à tous n’impose son rythme que j’ai trouvé comment me réapproprier ces instants.

Aujourd’hui est un de ces moments ! Levée très tôt, j’ai pris les transports pour me rendre dans un grand parc et me couper de la vie et de son rythme afin de me ressourcer, d’observer et de m’inspirer de la Nature. M’inspirer ! Car tout d’abord nous sommes des animaux, même si nous asseyons de nous différencier d’eux et de justifier notre supériorité avec tous types d’arguments très discutables.

M’inspirer encore ! Car à tout âge de leur vie, les animaux conservent ce même rapport, non pas au Temps, qui n’existe pas, mais à ce cycle de vie, et à ce rythme naturel.  Ce rythme naturel que nous suivions instinctivement les premières années de notre vie, et qu’il nous serait si bénéfique de nous réapproprier. Je ne parle pas de nous l’approprier ponctuellement 5 semaines et 47 weekends par an pour la plupart, ni dans le dernier tiers de notre vie, que nous ne sommes pas sûr d’atteindre; mais un peu chaque jour, et surtout un peu plus chaque jour, pour notre bien-être mais aussi pour celui des nouvelles générations… Nos rythmes de vie s’accélèrent un peu plus chaque jour et de façon exponentielle. Qui sait comment l’humain pourra s’adapter pour gérer émotionnellement ce qui me semble si contradictoire avec notre « Anumanité».

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